FOOTBALL L’attaquant stéphanois, qui va défier vendredi (21 h 10) le PSG en finale de la Coupe de France, a passé un mois à s’entraîner dur dans une salle de boxe de Saint-Chamond (Loire) avant la reprise de l’entraînement avec les Verts .
Jérémy Laugier Journal 20Minutes Publié le 23/07/20 à 14h05 — Mis à jour le 23/07/20 à 14h39
Denis Bouanga, ici lors d'un entraînement de boxe en juin à Saint-Chamond (Loire) aux côtés de Sylvain Thomas. — NPC/Bony/SIPA
Meilleur buteur de l’ASSE cette saison (10 réalisations en Ligue 1), Denis Bouanga en sera son principal atout offensif vendredi (21h10) au moment de défier l’armada parisienne en finale de Coupe de France.
Avant la reprise avec les Verts le 17 juin, l’international gabonais de 25 ans a vécu en mai un déconfinement particulier, puisqu’il a sollicité un préparateur physique également entraîneur de boxe.
Sylvain Thomas raconte à 20 Minutes comment « la machine » Denis Bouanga l’a bluffé pendant un mois, y compris lors d’ateliers sur le ring, avec les gants.
Le déconfinement à peine entamé en France, le 11 mai, Sylvain Thomas voit débarquer quatre footballeurs stéphanois dans sa salle de boxe de Saint-Chamond (Loire). Cet infirmier libéral, diplômé d’Etat comme entraîneur de sport de contact mais aussi comme préparateur physique, a l’habitude d’accueillir les deux jeunes pros Marvin Tshibuabua (18 ans), Victor Petit (19 ans), ainsi qu’Hichem Khoutri, formé avec eux à l'ASSE. Mais c’est la première fois qu’il va travailler avec Denis Bouanga. Meilleur joueur des Verts dès sa première saison dans le Forez (10 buts et 3 passes décisives en L1) et principal atout en vue d’un exploit vendredi (21 h 10) en finale de Coupe de France contre le PSG, celui-ci l’a appelé durant le confinement pour lui demander de l’accompagner jusqu’à la reprise de l’entraînement avec son club, le 17 juin. « Je ne suis vraiment pas le foot et je ne savais rien de lui, sourit Sylvain Thomas. On m’a vite expliqué qui il était donc je suis allé voir direct ses actions sur YouTube. Là, je me suis dit : ''OK, j’ai un très gros niveau en face de moi''. Comme quoi le professionnalisme ne s’invente pas car il était d’emblée très investi. » Une belle complicité se crée entre l’ancien attaquant nîmois, qui n’avait pas de préparateur physique personnel, et ce vice-champion de France 2010 de sanda (boxe chinoise). « Il est arrivé en me disant qu’il s’était entraîné pendant le confinement, mais non, il s’était juste entretenu, se marre le boxeur. A ce niveau, il faut quelqu’un derrière pour permettre à l’athlète de repousser ses limites. Il m’a souvent dit qu’il ne voyait pas le temps passer avec moi. »
Sylvain Thomas et Denis Bouanga ont collaboré durant un mois à Saint-Chamond, dès le début du déconfinement. - NPC/Bony/SIPA
« Il est venu pour récupérer les critères physiques du boxeur »
Et pour cause, durant une ou deux séances de deux heures chaque jour (sauf le dimanche) pendant un mois, Denis Bouanga enchaîne les exercices de préparation physique à haute intensité, afin notamment de « perfectionner le cardio » et de « renforcer les ischios ». L’international gabonais de 25 ans gagne au passage un surnom auprès de Sylvain Thomas, « la machine ». Denis est venu dans une salle de boxe pour récupérer les critères physiques du boxeur. Il ne s’arrête jamais, il a trois poumons. Plus je mets la barre haut, et plus il aime ça. Il est toujours dans le challenge, et il me chambre à coups de ''Demain, tu t’y mettras quand même, coach ?'', même lorsqu’il sort cané d’un atelier. » En rejoignant au printemps l’association Né pour combattre, l’attaquant des Verts s’envole très loin de l’univers du tennis ballon et autre toro (mea culpa pour les clichetons). « Denis est arrivé avec une vraie attirance, et même une passion, pour la boxe, insiste Sylvain Thomas. Il suit notamment beaucoup les MMA. Il n’est pas venu pour faire mumuse avec des gants. Il savait qu’il y avait beaucoup de travail de coordination, de déplacements, que c’était un jeu d’échecs. Il était toujours dans la demande d’explications. C’était un langage non connu pour lui donc ça lui a demandé des efforts monstrueux au niveau de la réflexion. »
Denis Bouanga a ici affaire à un atelier visant à consolider le dos, dans la salle de boxe de Sylvain Thomas à Saint-Chamond. - Bony/SIPA
Il réussit des exercices pour boxeurs semi-pros Des efforts récompensés par « des récréations pour couper avec le foot », via plusieurs exercices d’habitude réservés aux boxeurs. Denis Bouanga prend donc possession du ring et des projecteurs, même s’il n’est évidemment jamais question de le lancer dans un véritable combat. Adepte des neurosciences, le préparateur physique de 41 ans axe cette étonnante collaboration sur « la mobilité, la réactivité, et notamment sur le champ de vision périphérique ». Grâce à un atelier dans lequel le footballeur doit toucher des lumières le plus rapidement possible, dans l’ordre demandé, ses progrès sont bluffants. Le préparateur physique de Chafia Djouahra, double championne du monde ISKA et K1, précise : « En quelques semaines, il a par exemple gagné 100 centièmes en vitesse oculaire, le tout en réussissant des exercices que je fais faire à des boxeurs semi-pros. »
La gestuelle plus fluide du « samouraï » Bouanga
Son évolution se révèle tout aussi « spectaculaire » concernant sa technique de boxe, lui qui n’a encore jamais foulé un ring de sa vie. « Son premier jour avec les gants, houlà, il était déstructuré, se souvient son nouveau complice de la Loire. Ses bras avaient tendance à s’effacer, ce qui est logique pour un footballeur travaillant surtout le bas de son corps. Mais, pour la dernière semaine, on était vraiment sur de la performance de boxe. Il était technique, avec une gestuelle beaucoup plus fluide. Denis absorbe tous les conseils, c’est une éponge. » Une caractéristique qui pourrait lui permettre à l’avenir « de gagner en réalisme devant le but grâce au processus décisionnel fort des arts martiaux », sans oublier « la dimension mentale ».
« On s’exprime beaucoup plus qu’un footballeur via le kiai [cri de combat]. On ne peut pas monter sur le ring en montrant qu’on a peur. Et pourtant je ne connais pas un boxeur qui n’a pas peur. C’est donc un jeu d’acteur pour parvenir à se persuader de sa réussite. » Des notions qui ont bien plu au « samouraï » (son autre surnom obtenu à Saint-Chamond), et qui font sens avant de défier l’armada parisienne vendredi.
« Denis aime bien l’inconfort »
Le natif du Mans s’apprête en tout cas à retrouver la compétition près de son pic de forme physique. « Depuis l’arrêt de sa saison, il a pris 3 kg de muscle, son pourcentage de masse graisseuse est resté le même et il a gagné en extension, en vitesse de pointe, sur la puissance des quadris, en cardio et en vitesse maximale aérobie (VMA) », résume Sylvain Thomas, dithyrambique au sujet de cet athlète « très explosif et humble ».
« Frustré » que cette aventure soit mise entre parenthèses depuis un mois, Sylvain Thomas n’a pas encore été en contact direct avec l’ASSE. Il aimerait « un suivi pointu » avec Denis Bouanga, qu’il compte aller voir jouer bientôt pour la première fois dans le Chaudron. D’ici là, le buteur stéphanois aura peut-être retrouvé cette salle de Saint-Chamond ayant lancé son déconfinement, et son dicton sur les murs, « Je crois au travail et j’emmerde la chance », qui « colle bien » à son état d’esprit.
Stratégiquement, c’était bien vu de sa part de reprendre dans la difficulté plutôt que dans sa zone maîtrisée via le foot. J’ai cassé les habitudes de ces quatre footballeurs. Denis aime bien être dans l’inconfort. Il a fait la démarche de venir dans une salle qu’il ne connaissait pas, avec un coach de 1,87 m et 97 kg qu’il ne connaissait pas et qui n’a fait que hurler. »
Et si ce nouveau Denis Bouanga, à la sortie des vestiaires vendredi, se fendait face à Neymar d’un petit tête contre tête, cher aux boxeurs lors de la pesée d’avant-combat ?
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